Préface

Dans un premier ouvrage de grande qualité paru en 2012, Charles Rydel rassemblait les contributions de passionnés d’astronomie autour de la Conception et construction de télescopes et astrographes amateurs. Ce livre de près de 500 pages, très soigneusement présenté et édité, renouvelait déjà en profondeur les grands ouvrages classiques, en particulier celui de Jean Texereau, avec lequel j’avais moi-même fait mes premières armes d’astronome en herbe, il y a plus d’un demi-siècle. Renouvellement indispensable, car aujourd’hui la possibilité de calculs et de tests optiques diffi ciles grâce à une informatique disponible à tous, la réalisation de surfaces optiques complexes par des machines, de nouveaux matériaux enfi n permettent à l’amateur de réaliser des ambitions jusque-là réservées le plus souvent aux professionnels, à moins d’acheter un coûteux matériel tout fait et haut de gamme. Tout cela était exploré avec clarté dans le premier volume

Voici donc, trois ans après, la parution d’un second volume, intitulé Le télescope de Dobson et autres instruments pour l’amateur. Observer le ciel la nuit et le jour, pour lequel Charles Rydel me fait l’honneur et l’amitié d’un souhait de préface. Ai-je été sollicité à cause de ma fi liation scientifi que avec Jean-Claude Pecker, auteur de la préface du premier volume, lui qui fut mon maître dans les années 1960, lors de mes premiers travaux sur l’observation du Soleil dans l’infrarouge, cette terra incognita dont le potentiel de découvertes s’est révélé extraordinaire et qui demeure pourtant ignorée de la quasi-totalité des astronomes amateurs ?

Ai-je été sollicité à cause de mon travail pendant cette longue période, qui débuta vers 1978 et ne s’acheva pour moi que vingt-cinq années plus tard, pendant laquelle une petite équipe, à laquelle j’eus le bonheur d’appartenir, conçut puis réalisa ce qui est aujourd’hui le plus beau télescope du monde, le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili ? Ou bien, comme il me l’a suggéré avec délicatesse, Charles Rydel fait-il appel à moi en hommage à La main à la pâte, cette action que depuis vingt ans nous conduisons, dans le sillage du grand physicien et lauréat du prix Nobel de physique Georges Charpak, afi n que, chez les enfants et les élèves, la main et le cerveau travaillent de concert pour découvrir que la science et la technique sont de magnifi ques aventures humaines, si étroitement liées ? Mettre chacun en position de comprendre, de faire, de réaliser de ses mains, avant de pointer son instrument sur le ciel pour en découvrir la richesse, n’est-ce point là l’ambition des chapitres déjà publiés, comme de ceux que le lecteur va découvrir dans le présent ouvrage ? Qu’importe la réponse à mes interrogations, car c’est avec grand plaisir que je présente brièvement au lecteur ce livre si intéressant.

Plus de la moitié de l’ouvrage est consacrée à différentes versions, réalisées par des amateurs éclairés et imaginatifs, de télescopes adoptant le principe du Dobson, ce concept à la fois simple et puissant proposé par John Dobson à la fi n des années 1960, comme le raconte l’introduction historique. Un concept qui conjugue grand miroir, grand champ et monture altazimutale au pointage aisé car piloté par ordinateur, au fond rien d’autre que les choix des géants d’hier comme le VLT, car les géants de demain, tel l’European Extremely Large Telescope (39 m), abandonnent défi nitivement le miroir monolithique en faveur de la mosaïque. D’autres chapitres explorent le binoscope et la fusion des images lors de la vision binoculaire, ou encore la réalisation d’une combinaison originale formée d’un Newton avec primaire hyperbolique et d’un correcteur de bas coût. Cette dernière étude démontre combien la simulation numérique des optiques, dont le premier ouvrage met l’outil OSLO à la disposition de tous, permet de s’aventurer sur des terrains autrefois réservés aux professionnels.

En outre, le livre propose d’autres horizons : un élégant appareil à triple réfl exion pour l’observation du Soleil, à vocation pédagogique, qui doit régaler les scolaires de la région du Pic-du-Midi. Facile à construire, il serait souhaitable qu’il soit mis rapidement dans le commerce pour que son emploi soit généralisé dans les classes, rassurant ainsi une Éducation nationale si craintive que, lors de l’éclipse partielle du 20 mars 2015, elle crut bon de confi ner tous les enfants des écoles de France dans leur classe, volets fermés… ceci même si le ciel était couvert, ce qui fut le cas !

L’ouvrage explore enfin une série de possibilités permettant l’étude spectrale du Soleil ou d’étoiles brillantes par la construction ou l’adaptation d’un spectrographe à divers télescopes. On ne dira jamais assez combien cette exploration ouvre soudain un immense champ de compréhension des phénomènes célestes, quel rôle elle joua dès Fraunhofer (1809), Janssen (1868), Kirchhoff (1869), etc., et continue de jouer dans notre connaissance de l’univers et des phénomènes qui s’y déroulent. Si je regrette que les chapitres précédents n’off rent pas au lecteur quelques belles images du ciel obtenues avec les instruments présentés – le bricoleur doué présentant ainsi l’aboutissement de mois d’eff orts tenaces –, ce regret ne s’applique pas ici, où de superbes images monochromatiques du Soleil illustrent et complètent la partie technique. Signalons un excellent chapitre (n°18), à l’appareil mathématique et physique plus développé, qui introduit le lecteur à l’usage de la théorie de la diff raction à propos du coronographe de Lyot. Le rapport de Strehl, concept fi nalement assez simple et essentiel dans la recherche d’images à très haute résolution, y est fort clairement présenté.

En résumé, un livre magnifi que, une symphonie de réalisations dont il faut féliciter les musiciens et le chef d’orchestre, une présentation limpide et fort esthétique, des explications qui ne craignent pas d’entrer dans les détails apparemment les plus mineurs – mais comme le rappelle un des auteurs, c’est là que se cache le Diable, auquel nos contemporains ne semblent plus guère croire malgré la violence des temps ! Chaque auteur fait assaut de modestie, citant abondamment ce qu’il doit à ses sources, en particulier à la mine d’or qu’est devenu Internet, guidant ainsi le lecteur.

Que celui-ci me permette, en conclusion, de formuler quelques voeux à l’attention de la communauté des astronomes amateurs. Présentant l’ouvrage précédent, Jean-Claude Pecker appelait à une collaboration mondiale des amateurs. Celle-ci est encore modeste, mais je le rejoins en ne doutant pas que des thèmes tels que les sursauts gamma, les transits d’exoplanètes, les occultations d’astéroïdes et d’autres ne fournissent à l’avenir des occasions propices pour créer de tels réseaux internationaux, qui compléteraient utilement, voire devanceraient, le travail des professionnels.

Je voudrais rêver davantage encore. Depuis un siècle, l’astronomie d’amateur s’est pratiquement confinée au domaine de la lumière visible et, parfois, des ondes hertziennes. Comment ne pas souhaiter qu’elle explore sans tarder le ciel infrarouge, riche de tant de merveilles devenues accessibles grâce à des détecteurs peu coûteux et à d’efficaces traitements d’image ? Et pour conclure sur une technique née dans les années 1980 et qui a révélé depuis son extraordinaire puissance, je crois que, au-delà d’une stabilisation d’image dont disposent même, aujourd’hui, de modestes appareils photo numériques, la correction adaptative est à la portée d’amateurs. Elle leur ouvrirait, dans des sites où la qualité d’image (seeing) est rarement meilleure que la seconde d’arc, un gain en résolution d’un facteur au moins égal à cinq pour un télescope de 500 mm : pourquoi s’en priver ? Il y a bien sûr, quelques problèmes techniques à résoudre, comme celui de disposer d’un miroir déformable. Déjà, certains modèles commerciaux de ces miroirs, surtout pour corriger de petits diamètres par comparaison à celui des géants, explorent des solutions à bas coût.

Peut-être, dans quelques années, Charles Rydel rassemblera-t-il dans un troisième volume les excursions, toujours aventureuses en leur début, qui exploreraient ces domaines non conventionnels de l’astronomie d’amateur. C’est en tout cas le voeu que je formule, en adressant au chef d’orchestre, ainsi qu’à tous les auteurs et à l’éditeur, mes vifs remerciements pour le beau cadeau qu’ils font ainsi à la mise en pratique de la plus ancienne des sciences.

Pierre Léna, Professeur émérite, Université Paris Diderot
Membre de l’Académie des sciences

 

LE TELESCOPE DE DOBSON

Le télescope de Dobson

« Un livre magnifique, une symphonie de réalisations dont il faut féliciter les musiciens et le chef d’orchestre, une présentation limpide et fort esthétique, des explications qui ne craignent pas d’entrer dans les détails […] » (Pierre Léna)

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